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On les suit rarement dedans la sépulture ;
Le droict de 1’amitié cède aux loix de nature.
Pour moy, si je voyois, en l’humeur où je suis,
Ton ame s’envoler aux éternelles nuicts,
Quoy que puisse envers moy l’usage de tes charmes,
Je m’en consolerois avec un peu de larmes.
N’attends pas que l’amour aveugle aille suivant.
Dans l’horreur de la nuict, des ombres et du vent.
Ceux qui jurent d’avoir l’ame encore assez forte
Pour vivre dans les yeux d’une maistresse morte
N’ont pas pris le loisir de voir tous les efforts
Que faict la mort hydeuse à consumer un corps.
Quand les sens pervertis sortent de leur usage,
Qu’une laideur visible efface le visage,
Que l’esprit deffaillant et les membres perclus,
En se disant adieu, ne se cognoissent plus ;
Que, dedans un moment, après la vie esteinte,
La face sur son cuir n’est pas seulement peinte,
Et que l’infirmité de la puante chair
Nous fait ouvrir la terre afin de la cacher.
Il faut estre animé d’une fureur bien vive.
Ayant considéré comme la mort arrive.
Et comme tout l’object de nostre amour périt.
Si par un tel remède une ame ne guérit.
Cloris, tu vois qu’un jour il faudra qu’il advienne
Que le destin ravisse et ta vie et la mienne ;
Mais, sans te voir le corps ny l’esprit depery.
Le Ciel en soit loué ! Cloris, je suis guery.
Mon ame, en me dictant les vers que je t’envoye.
Me vient de plus en plus ressusciter la joye ;
Je sens que mon esprit reprend la liberté.
Que mes yeux desvoilez cognoissent la clarté.
Que l’object d’un beau jour, d’un pré, d’une fontaine.
De voir comme Garonne en l’Océan se traine.
De prendre dans mon isle en ses longs promenoirs,