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Ta beauté dont le feu par tous moyens esclate ,
Encore mon esprit ose se faire fort
De sauver ton mérite et mon nom de la mort.
Je conçois un poëme en l’ardeur qui me pique,
De ce vaste dessein qu’on appelle héroïque.
Je sçay que les François n’ont pas encor apris
De pousser dans ce champ leurs délicats esprits ;
Je me veux engager à ce pénible ouvrage,
Car tu m’en fourniras la force et le courage.
Si je suis le premier à ce divin effort.
Ce n’est à mon advis que le plaisir du sort.
Qui, voulant que premier ceste œuvre j’escrivisse.
Voulut que le premier ceste beauté je visse,
Et que dans tes appas je prinsse une chaleur.
Où les sœurs d’Appollon n’ont rien donné du leur,
Où rien que ton objet ma passion n’allume.
Où je n’ay que ta main pour conduire ma plume.
Dieux, pourray-je bien, sans vous fascher un peu.
Suivre les mouvemens de mon aveugle feu ?
Desjà comme l’amour m’engage à la furie,
Je croy que l’adorer n’est pas idolâtrie ;
Deussay-je despiter vostre divin courroux ,
Tout ce que j’en veux dire est au dessous de vous ;
S’il vous plaist que le monde uniquement vous ayme ,
Si vous voulez purger la terre du blasphème.
Faire que les mortels rendent la liberté
De leurs désirs pervers à vostre volonté.
Sans les espouvanter de l’esclat du tonnerre.
Changez-vous en Cloris et venez sur la terre.
Alors de vostre amour ils seront tous ravis.
Alors absolument vous en serez servis.
Il est vray que tout cède à l’amoureuse peine.
Que Paris et sa ville ont bruslé pour Heleine,
Et les antiquitez font voir aux curieux
Que l’Aube mist Titon dans le siège des Dieux ;