AU LECTEUR.
eux qui veulent ma perte en font courir de si grands
bruits que j’ay besoin de me monstrer publiquement,
si je veux qu’on sçache ce que je suis au
monde. Je ne produis point icy l’impression d’un
travail si petit et si desadvantageux à ma memoire afin qu’on
le voye, mais afin qu’il face voir que Dieu veut que je vive, et
que le roy souffre que je sois à la cour. Il semble que je face
une imprudence de me plaindre de mon malheur, d’autant que
c’est le divulguer ; j’ay assez d’adresse pour m’en taire, s’il y
avoit encore quelqu’un à le sçavoir ; mais il ne se trouve plus
personne à qui je ne doive satisfaction de ma vie, dont les
mauvais et les faux bruits ont rendu les meilleures actions
scandaleuses à tout le monde. Je crains que mon silence ne fasse
mon crime : car, si je ne repousse la calomnie, il semble que
ma conscience ne l’ose desadvouer. On a suborné des imprimeurs
pour mettre au jour, en mon nom, des vers sales et
profanes, qui n’ont rien de mon style ny de mon humeur.
J’ay voulu que la justice en sceut l’autheur pour le punir. Mais
les libraires n’en cognoissent, à ce qu’ils disent, ny le nom ny
le visage, et se trouvent eux-mesmes en la peine d’estre chastiez
pour cet imposteur. Les juges les ont voulu traiter avec
toute la severité que mon bon droict leur a demandée ; mais !e
pouvoir que j’ay eu de me vanger m’en a osté l’envie. Et, comme
je n’ay point plaidé pour faire du mal, mais pour en éviter, j’ay
pardonné à des ignorans, qui n’ont abuzé de mon nom que
pour l’utilité de la vente de leurs livres, et me suis contenté
d’en faire supprimer les exemplaires, avec la deffence de les
r’imprimer. Le soin que j’ay pris en cela pour ma protection