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Si vous trouvez mauvais qu’au fort de mes supplices
Les souspirs et les pleurs m’eschappent quelquefois,
Parlez à ces rochers, venez dedans ces bois
Qui de mon desespoir vont estre les complices.

Vous verrez que mes maux sont sans comparaison
Et que j’invoque en vain le temps et la raison
Aux tourmens infinis que le destin m’ordonne.

Je sens de tous costez mon espoir assailly.
Pourquoy veux-je espérer aussi qu’on me pardonne ?
On ne pardonne point à qui n’a point failly.


SONNET


Sur le mesme subject.


Esprits qui cognoissez le cours de la nature.
Vous seuls à qui le ciel apprend sa volonté.
Et dont les sentimens trouvent de la clarté
Dans la plus noire nuict d’une chose future ;

Célestes, qui voyez mon ame à la torture,
Qui sçavez le dédale où le sort m’a jetté,
Quand est-ce que je dois r’avoir ma liberté ?
Dittes-moy qui de vous entend mon advanture ?

Ange, qui que tu sois, vueille songer à moy,
Et lors que tu seras de garde auprès du roy.
De qui le cœur dévot est tousjours en prière,

Arreste-moy le cours de son inimitié.
Et dis-luy que, s’il veut exercer sa pitié.
Il n’en trouva jamais de si belle matière.