Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SONNET.


Ton orgueil peut durer au plus deux ou trois ans ;
Après, ceste beauté ne sera plus si vive :
Tu verras que ta flame alors sera tardive,
Et que tu deviendras l’object des mesdisans.

Tu seras le refus de tous les courtisans,
Les plus sots laisseront ta passion oysive,
Et tes desirs honteux, d’une amitié lascive
Tenteront un valet à force de presens.

Tu chercheras à qui te donner pour maistresse ;
On craindra ton abord, on fuira ta caresse ;
Un chacun de par tout te donnera congé.

Tu reviendras à moy : je n’en feray nul compte ;
Tu pleureras d’amour : je riray de ta honte.
Lors tu seras punie, et je seray vengé.



SONNET.


Vos rigueurs me pressoient d’une douleur si forte,
Que, si vostre présent, receu si chèrement,
Encore un jour ou deux eust tardé seulement,
Vous n’eussiez obligé qu’une personne morte.

Jamais esprit ne fut travaillé de la sorte :
Tout ce que je faisois aigrissoit mon tourment,
Et pour me secourir j’essayois vainement
Tout ce que la raison aux plus sages apporte.

Enfin, ayant baisé dans ce don précieux
La trace de vos mains et celle de vos yeux,
J’ai repris ma santé plus qu’à demi ravie.

Cloris, vous estes bien maistresse de mon sort,