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Ce que je crains je le demande ;
Je cherche mon contentement,
Et quand j’ay du mal j’apprehende
Qu’il finisse trop promptement.



ODE.


Dis-moy, Thirsis, sans vanité,
Remarques-tu que la beauté
Qui tient ton esprit et ta vie
Ayt pour toy quelque peu d’amour ?
Cognois-tu bien qu’elle ayt envie
De te le tesmoigner un jour ?

Elle est si parfaicte et si belle,
Que, sans blasme d’estre cruelle,
Elle peut destourner ses yeux
Des mortels et de leurs offrandes,
Et mesme refuser aux Dieux
L’amitié que tu luy demandes.

Mais aussi faut-il advouer
Que tout ce qu’on sçauroit louer
En tes perfections abonde,
Et qu’elle se doit estimer
La premiere beauté du monde
Pource que tu la veux aymer.

S’il est vray qu’une mesme flame
Vous ayt mis des desirs dans l’ame,
Je te loue d’estre amoureux :
Tu fais bien d’essuyer tes larmes
Et de te croire bien heureux
Depuis qu’on a quitté les armes.

Que ton amour eut de profit