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Il n’oze point bazarder ses esprits
A la mercy du charme qui ma pris.
Et tel qu’il est, impérieux et brave,
Il meurt de peur de devenir esclave.
O cher tyran des hommes et des dieux,
Aveugle-toy, de grâce, encore mieux ;
Demeure ainsi dans ta première crainte,
Et ne la vois jamais vive ny peinte:
Tu ne sçaurois regarder un moment
De ses beautez l’ombre tant seulement,
Sans t’embrazer, sans trouver la ruyne
De ton empire en leur flame divine.
Que si l’effort de ton cœur indompté
De ses appas sauvoit ta liberté,
Tu te plaindrois d’avoir l’ame trop dure.
Et maudirois ta force et ta nature,
Car le bon-heur d’aymer en si bon lieu
Passe la gloire et le repos d’un Dieu.
Que penses-tu que le Soleil est ayse
Lors qu’un rayon de sa clarté la baise ?
Lors que Philis regarde son flambeau
D’un air joyeux, le jour en est plus beau;
Et quand Philis luy faict mauvais visage.
Le jour est triste et chargé de nuage.
L’air, glorieux de former ses soupirs.
Entre en sa bouche avecques des zephirs
Tous enbausmez des roses de l’Aurore,
Et tous couverts des richesses de Flore.
Zephir, doux vent, doux créateur des lys,
S’il te souvient encor de ta Phillis,
Ranime-la, fais tant qu’elle revienne
Pour te baiser, et me laisse la mienne.
Mais les discours qu’on nous a faict de toy
En mon esprit n’ont jamais eu de foy.
Ton feint amour, tes fausses advantures,