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Par une vaine aigreur, ceux que je veux blasmer.
Aussi n’attends jamais que je te fasse rire
D’un vers que sans danger je ne sçaurois escrire.
Ceux-là sont fols vrayraent qui vendent un bon mot
De cent coups de bâton que fait donner un sot,
Esclaves imprudens de leur humeur mauvaise,
Ne sçavent méditer un vers qu’il ne desplaise.
Des pasquins contre aucun je ne compose icy,
Et ne sçaurois souffrir des injures aussi.
Le Dieu des vers m’inspire une modeste flame,
Qui n’est propre à donner ny recevoir du blasme ;
Jehay la médisance, et ne puis consentir
De gaigner avec peine un triste repentir.
Chacun qui voit mes vers, s’il a les yeux d’un homme,
Cognoistra son portraict, combien qu’on ne le nomme.
Qui ne lict ma satyre, il n’en est pas tancé:
Plusieurs s’en fascheront à qui je n’ay pensé ;
Qui hait trop la laideur de son vilain visage,
ne devroit jamais en regarder l’image ;
Qui craint d’estre repris, il n’a qu’à se cacher,
Et dès-là mon dessein n’est plus de le fascher [1].

  1. La pièce se termine ainsi dans le Parnasse satyrique
    La satyre au front noir, et à la voix farouche,
    Est pour la conscience une pierre de touche,
    C’est un parfaict miroir : elle ne voit que ceux
    Qui dans leur propre objet veulent estre apperceus.
    Encor cest advantage est joinct à ma censure,
    Que tes yeux seulement regardent ta figure,
    Que toy mesme, entendant reprendre ces deffauts,
    Jugeras si je suis ou véritable ou faux ;
    Bien que ta seule voix de ton vice ne crie,
    Ton seul ressentiment de bien faire te prie;
    Tu te reprens toy mesme, et de ta propre main,
    Tu te donne à ton aise un chastiment humain.