Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/379

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et dont l’esprit avare après l’argent aboyé.
Où qu’il tourne la terre en refendant la mer,
Ses navires jamais ne puissent abysmer !
L’autre, qui rien du tout que les grandeurs ne prise,
Et qu’un vif aiguillon de vanité maistrise.
Soit tousjours bien paré, mesure tous ses pas,
S’imagine en soy-mesme estre ce qu’il n’est pas !
Qu’il fasse voir un sceptre à son ame aveuglée,
Et son ambition ne soit jamais reiglée !
Cestuy-cy veut poursuivre un vain tiltre de vent,
Qui pour nous maintenir nous perd le plus souvent ;
Il s’attache à l’honneur, suit ce destin severe
Qu’une sotte coustume ignoramment révère.
De sa condition je prise le bon-heur,
Et trouve qu’il fait bien de mourir pour l’honneur.
Un esprit enragé, qui voudroit voir en guerre.
Pour son contentement, et le Ciel et la Terre,
Ne respire, brutal, que la flamme et le fer.
Et qui croit que son ombre estonnera l’Enfer,
Qu’il employé au carnage et la force et les charmes,
Et son corps nuict et jour ne soit vestu que d’armes !
Une sauvage humeur, qui dans l’horreur des bois
Des chiens avec le cor anime les abois.
Son dessein innocent heureusement poursuive.
En la tranquillité de ceste peine oysive !
Qu’il travaille sans cesse à brosser les forests,
Et jamais le butin n’eschappe de ses rets !
Celuy qu’une beauté d’inévitable amorce
Retient dans ses liens plus de gré que de force,
Qu’il se flatte en sa peine et tasche à prolonger
Les soucis qui le vont si doucement ronger !
Qu’il perde rarement l’object de ce visage,
Ne destourne jamais son cœur de ceste image,
Ne se souvienne plus du jeu ny de la cour,
N’adore aucun des dieux qu’après celuy d’amour.