Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/378

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les riches plus contans ne se sçauroient guarir
De la crainte de perdre et du soin d’acquérir.
Nostre désir changeant suit la course de l’aage :
Tel est grave et pesant qui fut jadis volage,
Et sa masse caduque, esclave du repos,
N’ayme plus qu’à resver, hayt le joyeux propos.
Une sale vieillesse, en desplaisir confite,
Qui tousjours se chagrine et tousjours se despite,
Voit tout à contre cœur, et ses membres cassez
Se rongent de regret de ses plaisirs passez,
Veut traîner nostre enfance à la fin de la vie,
De nostre sang bouillant veut estouffer l’envie.
Un vieux père resveur, aux nerfs tous refroidis,
Sans plus se souvenir quel il estoit jadis.
Alors que l’impuissance esteint sa convoitise,
Veut que nostre bon sens révère sa sottise,
Que le sang généreux estouffe sa vigueur.
Et qu’un esprit bien né se plaise à la rigueur.
Il nous veut arracher nos passions humaines.
Que son malade esprit ne juge pas bien saines ;
Soit par rébellion, ou bien par une erreur.
Ces repreneurs fascheux me sont tous en horreur ;
J’approuve qu’un chacun suive en tout la nature :
Son empire est plaisant et sa loy n’est pas dure ;
Ne suivant que son train jusqu’au dernier moment,
Mesmes dans les malheurs on passe heureusement.
Jamais mon jugement ne trouvera blasmable
Celuy-là qui s’attache à ce qu’il trouve aymable.
Qui dans l’estât mortel tient tout indiffèrent ;
Aussi bien mesme fin à l’Acheron nous rend ;
La barque de Charon, à tous inévitable.
Non plus que le meschant n’espargne l’équitable.
Injuste nautonnier, helas ! pourquoy sers-tu
Avec mesme aviron le vice et la vertu ?
Celuy qui dans les biens a mis toute sa joye,