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Arrache de son sein avare
L’ambre, la perle et le coral.

Ce qu’on dit de ce grand thresor
Decoulant de la voix d’Alcide,
C’estoient vrayement des chaînes d’or,
Qui tenoient les esprits en bride.
Cognoissant ces divins appas,
Alexandre donnoit-il pas
Tout son gain de paix et de guerre ?
Ce prince, avec tout son bonheur,
S’il n’eust donné toute la terre,
Ne s’en fust jamais faict seigneur.

Les zephirs se donnent aux flots,
Les flots se donnent à la lune,
Les navires aux matelots,
Les matelots à la fortune.
Tout ce que l’univers conçoit
Nous apporte ce qu’il reçoit,
Pour rendre nostre vie aisée ;
L’abeille ne prend point du ciel
Les doux presens de la rosée
Que pour nous en donner le miel.

Les rochers, qui sont le tableau
Des sterilitez de nature,
Afin de nous donner de l’eau
Fendent-ils pas leur masse dure ?
Et les champs les plus impuissans
Nous donnent l’yvoire et l’encens ;
Les deserts les plus inutiles
Donnent de grands tiltres aux roys,
Et les arbres les moins fertiles
Nous donnent de l’ombre et du bois.

Marquis, tout donne comme vous :
Vous donnez comme celuy mesme
Dont les animaux sentent tous