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Que d’exposer mal à propos
À l’effort d’une violence
Ma renommée et mon repos.

Ô destin, que tes loix sont dures !
L’innocence ne sert de rien.
Que le sort d’un homme de bien.
A de cruelles adventures !
Ce grand Duc redouté de tous,
Dont je ne souffre le couroux
Pour aucun crime que je sçache,
Me menasse d’un chastiment
Contre qui l’ame la plus lasche
Fremiroit de ressentiment.

Il est bien aisé de me nuire,
Car je ne puis m’assujectir
Au soucy de me garantir,
Quoy qu’on fasse pour me destruire.
Je sçay bien qu’un astre puissant,
A tous ses vœux obeyssant,
Force les plus fiers à luy plaire,
Et que c’est plus de dépiter
La menace de sa colere
Que le foudre de Jupiter.

Mais que la flamme du tonnerre
Vienne esclatter à mon trespas,
Et le ciel fasse sous mes pas
Crever la masse de la terre,
Mon esprit sans estonnement
S’appreste à son dernier moment ;
Plus je sens approcher le terme,
Plus je désire aller au port,
Et tousjours d’un visage ferme
Je regarde venir la mort.

Ainsi, quoy que ce fier courage
Menace mon foible destin,