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Tout de même, au siècle où nous sommes,
Les richesses ont acheté
De notre avare lâcheté
La façon de louer les hommes ;
Mais je ne te conseille pas
De présenter aucun appas
A tant de plumes hypocrites ;
D’autant que la postérité
Verra mieux dans la vérité
La mémoire de tes mérites.

Laisse là ces esprits menteurs,
Sauve ton nom de leurs ouvrages,
Les compliments sont des outrages
Dedans la bouche des flatteurs.
Moi, qui n’ai jamais eu le blâme
De farder mes vers ni mon âme,
Je trouverai mille témoins
Que tous les censeurs me reçoivent,
Et que les plus entiers me doivent
La gloire de mentir le moins.

Cette grâce si peu vulgaire,
Me donne de la vanité,
Et fait que sans témérité
Je prendrai le soin de te plaire.
Les dieux, aidant à mon dessein,
Me verseront dedans le sein
Une fureur mieux animée,
Ils m’apprendront des traits nouveaux
Et plus durables et plus beaux
En faveur de ta renommée.

Mais aussitôt que mon désir,
Qui ne respire que la gloire
De travailler à ta mémoire,
Jouira d’un si doux loisir,
Mon astre qui ne sait reluire