Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/286

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et mon esprit en fait mon travail et ma fête.

Tout ce que la nature a de rare et de beau,

Ce qui vit au Soleil, qui dort dans le tombeau,

Tout ce que peut le Ciel pour obliger la terre,

Les plaisirs de la paix, les vertus de la guerre,

Les roses, les rochers, les ombres, les ruisseaux,

Le murmure des vents et le bruit des oiseaux,

Le vêtement d’Iris et le teint de l’Aurore,

Les attraits de Vénus ni les douceurs de Flore,

Tout ce que tous nos dieux ont de cher et de doux,

Grand Prince, ne peut point se comparer à vous.

César auprès de vous perd ce renom d’Auguste,

Mars celui de vaillant, Thémis celui de juste.

La vertu n’eut jamais des mouvements si saints

Qu’elle en a rencontré dans vos heureux desseins :

C’est par où dans nos cœurs son amitié s’imprime,

C’est pour l’amour de vous que nous quittons le crime.

L’exemple de vos mœurs force plus que la loi,

Et votre sainte vie autorise la foi.

Lorsque ces grands desseins, à qui l’Europe entière,

Pour un mois d’exercice, était peu de matière,

Furent mis au tombeau du plus vaillant héros

Dont le sein de la terre ait jamais eu les os,

La vertu s’en allait, mais vous l’avez suivie,

Et, retenant de lui la couronne et la vie,

Il vous plut d’arrêter avecque vous aussi

Les belles qualités qui l’honoraient ici.

Je croyais l’univers perdu dans cette perte,

Que la terre après lui demeurerait déserte,

Que l’air serait toujours de tempête animé,

Que le Ciel dans l’enfer se verrait abîmé,

Et que les éléments, sans ordre et sans lumière,

Reviendraient en l’horreur de la masse première.

Sa gloire allait du pair avec les immortels,

Et pour lui tous nos cœurs n’étaient que des autels ;