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Notice

En ma captivité j’ay beaucoup de licence,
Et tout autre que toy se lasseroit enfin
D’avoir si librement un serf si libertin…
Bref, si tu ne me tiens pour un fascheux rimeur,
Tu souffriras un peu de ma mauvaise humeur.

C’étoit sur ce pied que Théophile vivoit dans la domesticité du duc de Montmorency.

Quels ouvrages composoit-il alors ? Une ode au prince d’Orange est sans doute une inspiration due au voyage dans les Pays-Bas, et elle n’est pas heureuse, sauf quelques traits énergiques qui sentent le huguenot :

L’Espagne, mère de l’Orgueil,
Ne preparoit vostre cercueil
Que de la corde et de la roue,
Et venoit avec des vaisseaux
Qui portoient peintes sur la proûe
Des potences et des bourreaux.

L’ode à M. de Montmorency offre, sinon de beaux : vers, au moins de beaux préceptes sur les louanges données par les poètes :

Moy qui n’ay jamais eu le blasme
De farder mes vers ny mon ame.
Je trouveray mille tesmoings
Que tous les censeurs me reçoivent,
Et que les plus entiers me doivent
La gloire de mentir le moins.

Plus tard le poète encensera le duc de Luynes ; mais il aura connu les rigueurs de l’exil. Il ne connoissoit alors que les rigueurs de l’hiver, et son ode sur ce sujet est de glace :

Plein de cholere et de raison,
Contre toy, barbare saison,
Je prépare une rude guerre.
L’air est malade d’un caterre,

et Cloris aussi. Le poète est désespéré et toute la cour chagrine :

Remets sa voix en liberté ;
Fais que ceste douleur s’allège,