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Et certes je commence à craindre
Qu’un passant, au lieu de te plaindre,
Ne s’amuse à se mocquer d’eux.

Dessus ces fantasques tableaux
Je mettray ces riches peintures,
Dont parmy les races futures
Tous les traicts seront trouvez beaux :
Socrate en la fin de sa vie,
Ta belle Maison de Sylvie,
Thisbé, Pirame en son malheur,
Dont la pitoyable advanture
Estonna si fort la nature
Qu’un fruit en changea de couleur.

Du plus hardy traict de nostre art,
Dessus ce monument superbe
Sera le portraict de Malherbe,
Et plus haut celuy de Ronsard,
Qui, s’ostant chacun la couronne
Dont leur docte chef s’environne,
Diront, par cette humilité,
Qu’on ne peut refuser hommage
À la grandeur de ton ouvrage
Sans un excez de vanité.

Bref, enfin ma main te promet,
Sous la faveur d’un bon augure,
D’y placer encor ta figure,
Que je gardois pour le sommet :
Là, d’un air aussi doux que grave,
Mon dessein veut que je la grave
Toute droicte, eslevant les yeux,
Pour dire aux ames insensées
Que tu ne prenois tes pensées
En aucun lieu que dans les cieux.

Ô Dieu, le triste souvenir
De ta mort, cher amy, me tue,