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EPISTRE AU LECTEUR.


Puis que ma conversation est publique et que mon nom ne se peut cacher, je suis bien aise de faire publier mes escrits, qui se trouveront assez conformes à ma vie et très esloignez du bruit qu’on a faict courir de mon esprit ; je sçay bien que, dans l’aveugle confusion d’une reputation ignorante, on a parlé de moy comme d’un homme à perir pour exemple, sans que jamais l’Eglise ny le Palais ayent reprins ny mon discours ny mes actions ; et, depuis qu’il me souvient d’avoir vescu parmy les hommes, je n’en ay jamais pratiqué qui ne me soient encore amis. Tous ceux qui parlent mal de moy ne sont ny de ma conversation, ny de ma cognoissance. Je me puis vanter d’avoir assez de vertu pour imputer à l’envie les mesdisances qui m’ont persécuté. Ces outrages ne m’ont point affligé, ny destourné le train de ma vie. Je sçay que les injures de ma fortune ont faict celles de ma reputation. En mon bannissement, j’estois infame et criminel ; depuis mon rappel, innocent et homme de bien ; et la mesme façon de vivre qui s’appelloit autrefois desbauche s’appelle aujourd’huy reformation. Les esprits des