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Notice


On dict que vous estes plus sensuel qu’un limaçon, et que vous n’escumez que la bave de vos plaisirs deshonnestes jusques dans l’escarlatte des cardinaux et dans le rochet des evesques, qui est vomir dans le sanctuaire.

On dit que, parlant des trois plus grands princes de l’Europe, le roy de France, le roy d’Espagne et le duc de Lorraine, vous en tenez des discours qui ne sont pardonnables qu’à Brusquet, à maistre Guillaume ou al señor Balzac.

On dit qu’après avoir appellé Théophile vostre amy commun, vous avez mauvaise grâce de faire du prescheur suranné et de le condamner à une quatriesme verole, luy qui se glorifie d’en avoir eu une douzaine. On vous recuse en ce jugement, puisque le criminel desire pour faveur ce que vous luy souhaitiez pour chastiment.

On dit que vous flattez les grands en esclave, que vous mordez les escrivains en vipère, et que vous estes bien marry de ne pouvoir croire et juger ce que vous en dictes.

On dit que vos jeunesses sont furieuses, et que, si vous venez aussi vieux que Cerbère, vos morsures seront enragées.

On dit que vous estes plus bravache en matière de vos voluptez que Thersite au sujet de ses vaillances, et que, si vos rodomontades de gueule sont choses feintes, comme il y a de l’apparence, vous estes aussi glorieux en poésie que mensonger en prose.

Bref, on dit que vous n’estes pas sage, et que, si, par hazard, vous devenez un jour ce que vous n’estes pas, vous aurez pour vos deux ennemis mortels ceux qui ont imprimé vos lettres et forgé leurs préfaces à reculons[1]. Adieu.





  1. La préface des Lettres de Balzac, par La Motte Aigron, est à la fin du volume.