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tions. Vous faites une fievre de vostre estude, et, quand vous composez, on peut dire que vous estes ou dans le frisson, ou dans la chaleur, jamais dans l’egalité ny dans le temperament d’un homme sain. Enfin vous seriez propre à crier du noir à noircir et à composer un soldat gascon.

La seconde tare de vos lettres gist en un trop grand amour de vous-mesme ; vostre esprit n’est remply que de soy-mesme ; vous ne parlez que de vos plaisirs, de vosvoluptez, de vos occupations, et vous imaginez que les presses seront aussi glorieuses de suer soubz vos fantaisies que vous estiez soigneux de ne suer pas dans les ardeurs de Rome.

Vous aviez tort de laisser quatre robustes valets à vous faire du vent dans vostre chambre, car vous en avez dans la teste plus que les quatre vents cardinaux et les bouches enflées des aquilons frenetiques n’en sçauroient faire de tout un hyver ; vous en avez pour remplir les voiles d’un navire hollandois et pour en presler à Ulysse ou pour entier ses outres. Vous estes aussi rodomont en plaisirs que lasche en courage, car vous escrivez par une nouvelle façon de bravade, qui ne seroit que tolerable à un Heliogabale, que vous mangez les odeurs des cassolettes, que vous faites noircir la neige sous les melons, que vous vous couchez dans un pré de tulipes, que vous avez peur de faire naufrage dans un Eurippe d’eaux de senteur, et semblables roulades qui ne peuvent sortir que d’un jeune bavard ou d’un vieux epicurien.

Prenez garde qu’un jour vous ne soyez reduit à manger du pain d’angoisse au lieu de manger les senteurs, à ne sentir l’ardeur des flammes du purgatoire pour la fraischeur de nos neiges, à ne vous coucher sur des chardons au lieu de vos tulipes ondoyantes, à ne faire baigner vostre pavé de larmes au lieu de vos eaux d’ange. Si ces delicatesses estoient veritables, vous seriez grandement criminel, et le plus pardonnable peché que vous commettiez en cecy, c’est la vaine jactance de vous-mesme. Faire mal est assez mauvais de soy-