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ne leur en souvenoit pour la grant paour qu’il avoient de mourir ; et le sablon et le vent qui les feroit parmi les iex leur tolloit à veoir le chemin qui devoient tenir. Ainsi se vengierent les crestiens de leurs anemis par le sens et par la cautelle au roy de Cecille.


IV.
Du chastiau de fust que le roy de France fist faire pour les Sarrazins affamer[1].

Les Sarrazins de Tunes avoient fichiées leurs tentes et leurs paveillons droit à l’encontre des herberges des François, et estoient[2] l’un de l’autre par l’espace de iiii milles. Si estoit les Sarrazins par devers Tunes. Si estoit entre la cité et les Sarrazins regort de mer et yaues de mer couranz qui s’en aloit en traversant par devers les montaignes, ne ne pooient venir à Tunes sanz passer oultre a navie, car le fleuve estoit large et parfont, pour ce que l’yaue de la mer cheoit dedenz. Et quanqu’il failloit et estoit neccessaire en l’ost aus Sarrazins venoit parmi ce fleuve de la cité de Tunes, si que les Sarrazins n’avoient point de souffroite de viande ne de nulle chose. Les François s’assamblerent ensemble et penserent comment il pourroient empeschier le passage par où viande venoit aus Sarrazins, ou du tout tolir, si que les Sarrazins, se il pooient, ne peussent ilec demourer ne tenir siege. Si assamblerent grant foison de bois et de merrien. Quant il fu assemblé, il

  1. Guillaume de Nangis, Gesta Philippi regis Franciæ, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 470-475. Cf. Chronique de Primat, ibid., t. XXIII, p. 77.
  2. Sous-entendu, éloignés ; latin : « distans ».