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ment[1] et sanz ordre s’embatirent. Lesquiex chevaliers gentilz François, ceulz de Bruges a lances agues forment empaignanz et deboutanz, getterent et abatirent de maintenant du tout en tout ceulz qui à celle empainte erent à l’encontre. Desquelz la ruine et trebucheure tant soudaine voiant le noble conte d’Artois Robert, qui onques n’avoit acoustumé à fuir, avec la compaignie des nobles, fors et viguereux, aussi comme lyon rungant ou esragié se plunga es Flamens. Mais pour la multitude des lances que les Flamens espessement et serréement tenoient, ne les pot le gentil conte Robert trefforer ne trespercier. Et lors adecertes, ceulz de Bruges, aussi comme s’il fussent convertiz et muez en tygres, nulle âme n’espargnierent, ne haut ne bas ne deporterent, mais aus lances agues bien amourées[2] que l’en appelle bouteshaches et guidendars, les chevaliers des chevaux faisoient trebuchier. Et ainsi comme il cheoient, aussi comme brebiz les acraventoient sus la terre. Adonc le bon conte Robert d’Artois, vaillant et enforcé de toutes gens, jasoit ce qu’il fust navré de moult de plaies, toutes foiz se combati-il forment et viguereusement, miex veullanz gesir mort avec les nobles hommes qu’il voioit devant li mourir, que à tel petit, vil et vilain peuple li rendre vif enchaitivé. Et lors, quant les autres compaignons virent ceulz qui es-

  1. Latin : « pompatice ». « Apenséement » (Bibl. nat., ms. fr. 17270).
  2. Le ms. fr. 2813 de la Bibl. nat. donne cette leçon : bien amourées, « bien aiguisées ». Dans le Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 670, on a la leçon : amourcées. P. Paris (t. V, p. 140) donne la leçon : ancorées, qu’il explique en note : « terminées en formes d’ancres ». Cette leçon se rapprocherait plus du latin : « lanceis aduncatis ».