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de ce pays, estoient contrainz et grevez. Et comme ne peust la clameur du peuple souventes foiz estre oye envers le roy de France, pour le très haut linage du devant dit Jaque ; si en avint que le menu peuple s’esmut pour celle cause envers les grans et esleva, dont il y ot grant plenté de sanc espandu, et tant de povres gens comme de riches furent occis les uns des autres. Desquelles asprestés les mouvemens faiz, se il peust estre fait apaisier, comme Phelippe le Biaux roy de France eust destiné et envoié nobles hommes, mil et plus appareilliez de toutes armes avec Jaques de Saint-Pol, et fussent de ceulz de Bruges, a grant reverence dedenz la ville et paisiblement entroduiz, mis et receuz ; et disoient les Flamens de Bruges eulz vouloir de toutes choses au commandement du roy de France pour bonne volenté et courage obeir. Helas ! en ycelle nuit du jour ensuivant que noz François estoient venuz, comme il se reposassent et dormissent seurement ; et comme ceulz qui leurs armes avoient ostées, par[1] i pou furent touz traitreusement occis[2]. Car adecertes, si comme l’en dit, ceulz de Bruges, en yce soir, avoient entendu Jaque de Saint Pol, de Flandres[3], soy avoir venté que l’endemain il devoit pluseurs de eulz faire pendre au gibet. Pour ceci aussi, comme touz desesperez de très grant paour, presumerent et entrepristrent hors riulle à faire telle desloyal felonnie. Et toutes fois s’en eschapa ledit Jaques par qui celle rage

  1. « A par un pou » (Bibl. nat., ms. fr. 17270).
  2. Sur ce massacre appelé les « Matines Brugeoises », qui eut lieu dans la nuit du 17 au 18 mai 1302, voir Funck-Brentano, op. cit., p. 388-394.
  3. Latin : « Jacobum custodem Flandriæ. »