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de la garde au roy de Chipre, qui aus quarniaux ne aus deffenses fussent, si s’atournerent ilec de toutes pars pour la cité assaillir, et emplirent les fossés tout entour de bois et d’autres choses, et percierent tantost les murs. Adonc entrerent communement en la cité et dechacierent et bouterent les crestiens par i pou jusques ou milieu de la cité. Mès ainçois ot fait de ça et de là grant abateis et occision de leur gent, et furent deboutez et chaciez hors de la cité en la vesprée d’icelui jour par le mareschal[1] et le ministre de la chevalerie de l’Ospital[2]. Et ensement le firent le jour ensuivant ainsi. Et adecertes le tiers jour ensement ensuivant, les Sarrazins venans de toutes pars à l’assaut et vindrent en la cité et entrerent par la porte Saint Anthoine, et les Templiers et les Hospitaliers[3] se combatirent viguereusement, et les craventerent de touz poins et occistrent le peuple. Et ainsi les desloiaux mescreans pristrent la cité[4] et la trebuchierent et destruirent avec les murs et les tours et les maisons et les eglises jusques aus fondemens, tout ce dessus dessouz, dont ce fu très grant domage. Et lors, les patriarches et les menistres de l’Ospital qui navrez estoient à mort furent au repaire[5] et avec pluseurs autres, et perirent en la mer. Et ainsi Acre, la cité qui estoit le secours et l’aide de crestienté en ycelles parties d’outre mer, par leurs pechiez, et ce requerans, fu destruite des ane-

  1. Mathieu de Clermont, maréchal de l’Hôpital.
  2. Jean de Villiers, grand maître de l’Hôpital.
  3. Sur l’action des Templiers et des Hospitaliers à la porte Saint-Antoine, cf. Excidium urbis Acconis, col. 781-782.
  4. Saint-Jean-d’Acre fut pris le 28 mai 1291.
  5. Ce repaire était une barque, un dromon, « tracti a suis in dromundo ».