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conseil ou par fortune. En ce qu’il estoit en tel pensée, si chei en une fievre si que il ne pot chevauchier, ainz convint qu’il fust porté en letiere. La fievre crut et monteplia pour l’air qui tant estoit desatrempé et plain de pluie ; si li engreja et devint plus fort malade.

Tant alerent et chevauchierent qu’il vindrent au pas de l’Escluse qui est toute avironnée des montaignes qui sont appellées les Mons de Pierre[1]. Haut au dessus des montaignes estoient les Arragonnois qui estoient en aguet comment il pourroient grever les François. Quant aucun pou s’en esloignoient de l’ost, ou x ou xii, tantost leur couroient sus et les occioient et ravissoient quanqu’il pooient tenir ou trouver[2]. A grant doleur et a grant paine vindrent jusques à Parpignan ; ilec s’arresterent pour reposer. Le roy Phelippe fu forment malade et enferme ; si ne voult pas tant atendre qu’il perdist son sens et son avis, ainz fist son testament comme bon crestien et ordena. Après, il reçut en grant devocion le sacrement de sainte Eglise. Tantost comme il ot receu toutes ses droitures, il rendi la vie et s’aquita du treu de nature qui est une commune debte à toute creature[3]. Les barons de France furent moult dolenz et corrouciez de sa mort, car de jour en jour courage et volenté li monteplioit de bien faire et de grever ses anemis.

Nul ne pourroit penser la doleur que la royne sa

  1. G. de Nangis dit seulement : « Transeuntes igitur per passum Eclusæ montes Pyrenæos. »
  2. Voir, sur deux de ces combats qui eurent lieu le 30 septembre et le 1er octobre, Lecoy de la Marche, op. cit., t. I, p. 276-277, et Langlois, op. cit., p. 164.
  3. Philippe le Hardi mourut à Perpignan le 5 octobre 1285 (cf. Hist. de Languedoc, t. X, note vii, p. 40-42).