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vent parler en la cité à Raymont de Cerdonne et faisoient samblant qu’il y aloient pour le profit le roy ; mais ce ne pot-on savoir certainement, ains disoit le commun de l’ost qu’il y aloit plus pour le profist de la ville[1]. Le roy de France vit bien que tous les assaux que l’en faisoit ne pooient de riens empirier la ville ; si fist aprester i engin si soutil et si bon qu’il peust desrompre et abatre les murs de la cité.

Quant l’engin fu fait, ceulz de la ville espierent tant qu’il fu nuit, et issirent de la cité et vindrent à l’engin et bouterent le feu dedenz. Quant l’engin fu embrasé, il ruerent dedenz le maistre qui l’avoit fait pour ce qu’il ne vouloient mie qu’il en feist jamais i autre tel. Quant le roy le sot, si en fu si courroucié qu’il dist que jamais ne laisseroit le siege jusques a tant qu’il auroit prise la ville. Si comme il estoit devant la cité, laquelle il cuidoit bien affamer, son ost commença forment à empirier et soustenir labour de chaut et de pueur de charoignes parmi les champs mortes, et les mouches qui les mordoient toutes plaines de venin. Si commencierent à mourir en l’ost, hommes et femmes et chevaux, et l’air y devint si corrompu que à paine y demouroit nul homme sain.

[2]Pierre d’Arragon estoit en aguet repostement comment et en quel maniere il peust grever ceulz qui

  1. Sur le siège de Girone, voir Lecoy de la Marche, op. cit., t. I, p. 253 à 271.
  2. La phrase latine est plus claire : « Petrus etiam de Aragonia latens in insidiis, eos qui ad portum Rosarum pro victualibus exercitui asportandis ibant et revertebantur, sæpe damnificabat in pluribus, si contigisset quod conductum peroptimum non haberent. »