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France, et li pria pour Dieu, que il eust pitié de li, et li monstra rayson pour quoi il pooit et devoit estre esmeuz, et restablir li, sa terre et sa contée.

Le roy Loys ot pitié de la contesse et vint à Perone atout grant plenté de barons et de chevaliers, et manda ilec celui qui faignoit estre le conte Baudoin, et li dona en conduit sauf aler et sauf venir pour monstrer les responses contre la contesse. Cil qui bien cuidoit avoir gaaignié [la contée][1] par fausseté vint à Perone atout grant plenté de gens qui s’aerdoient à lui, et fist contenance moult grant et moult orgueilleuse.

Le roy li demanda de moult de choses, et especiaument où il avoit fait homage au roy Phelippe, son pere, de la contée de Flandres, et où il l’avoit fait chevalier. Quant cil aperçut les demandes le roy, si se doubta forment et prist à querre aloignes de respondre aussi comme par orgueil[2]. Le roy qui bien vit et aperçut la folie et l’orgueil de li fu courroucié ; si li commanda que il vuidast dedens iii jours[3] sa terre et son royaume, et li donna conduist à repairier. Icil qui ot oy le commandement le roy retorna au plus tost qu’il pot à Valencienes, et ilec fu delessié de tous ceulz qui le suivoient. Lors quant il se vit seul et congoié du regne, si se tapi et fui aussi comme i marcheant en la terre de Bourgoigne ; mais ilec fu pris d’un chevalier[4]

  1. Nous avons rétabli ces mots, « la contée », d’après le ms. fr. 17270, fol. 279, de la Bibl. nat. et d’après le royal ms. 16 G VI, fol. 387 vo, du Brit. Mus.
  2. Le royal ms. 16 G VI ajoute en note : « ne nulle response depuis au roy ne daigna donner ».
  3. Nous avons rétabli, d’après le ms. 16 G VI du Brit. Mus. et d’après les mss. fr. 17270 et 2615, le mot « jours » qui fut omis dans le ms. 2813.
  4. Le nom de ce chevalier a été donné par Vincent de Beauvais : Speculum historiale, éd. de Douai, t. IV, p. 1276, « ab Eberhardo de Casseuca in quadam taberna ». Dans Casseuca, on a le nom estropié de Cassenea, Chassenai. C’est Erard de Chassenai. Cf. L. Delisle, Notes sur quelques manuscrits du Musée britannique, dans Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. IV, p. 186, et Récits d’un ménestrel de Reims, éd. de Wailly, p. 169.