Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 3.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la main Eginalt, son chapelain, et en partie par l’estude Turpin, l’arcevesque de Rains, qui present furent ovec lui par touz ses faiz en divers tens et sont tesmoing de sa vie et de sa conversation. Cil Eginalz nous descrit sa vie jusques aus faiz d’Espagne ; le seurplu nous determine Turpins, li arcevesques, jusques en la fin de sa vie, certains des choses qui avindrent, come cil qui toz jors fu presenz ovec lui.

[1]Je donques Eginalz, chapelains[2], et norriz ou palais mon seigneur le victorieus prince et le très renommé l’empereur Karlemanne, ai proposé à descrire ses mors et sa vie, à l’aide Nostre Seigneur, au plus briement que je porrai, et maesmement ceus que il fist, puis que il vint à terre et que il ot receu son roiaume. Car cil ne sont pas en memoire que il fist ou tens de s’esfance[3] en Espagne entor Galaffre, le roi de Tholete[4]. Si est profitable chose de retenir par escriture

  1. Ce début est extrait du prologue de l’ouvrage d’Éginhard, intitulé : Vita et conversation gloriosissimi imperatoris Karoli regis Magni.
  2. Éginhard ne prend pas ce titre dans le prologue de la Vita Karoli ; parlant de Charlemagne, il l’appelle seulement : « Domni et nutritoris mei. »
  3. S’esfance, son enfance.
  4. Cette phrase ne se trouve pas dans Éginhard. L’auteur des Grandes Chroniques fait allusion ici à la légende d’après laquelle Charlemagne, banni de France par ses deux frères bâtards, fils de la fausse Berte, s’enfuit en Espagne chez le roi sarrasin Galafre et se mit à sa solde sous le nom de Mainet :

    « Seignor, vos savés bien, quant Pepin fu fenis,
    Karlemaines, ses fiex, fu cachiés de Paris ;
    Par force l’en cachierent et Hainfroiz et Heudriz.
    Ala s’ent à Galafre, au roi des Arrabis,
    Aida lui de sa guerre contre ses anemis. »

    (Garin de Monglane.)

    (Voir Gaston Paris, Histoire poétique de Charlemagne, p. 230 et suiv.)