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Aygolant respondi :

« N’est pas, » dist-il, « digne chose que nostre gent soit sogiete à la vostre, com nostre loys vaille mieuz que la vostre ; car nous avons Mahomez qui est messages Dieu et fu envoiez à la gent sarrazine, les cui commandemenz nous tenons ; et si avons noz diex toz puissanz qui par le commandement Mahomet nous denuncent les choses à avenir. Ces diex nous creons et cotivons, par lesquiex nous vivons et regnons. »

« Aygolant » dist Karlemaines, « tu erres en ce que tu dis que vous tenez les commandemenz Dieu, car vous avez les commandemenz et la fause loy d’un home mortel, plain de toute vanité, et creez[1] et aorez le deable en fauses ydoles ; mais nous tenons les vrais commandemenz de Dieu et creons et aorons Dieu le pere, et le Fil et le Saint Esperit, dont noz ames vont en la joie de Paradis par la sainte foi que nous tenons, et les voz, si vont ou parfont d’enfer[2] par la fause loy que vous tenez. Et pour ce, apert que nostre foi vaut mieuz que vostre loy ; pour laquel chose, je t’amonest que tu et ta gent recevez[3] baptesme et vivez, ou tu viens à bataille contre moi et recevez dolereuse mort de cors et d’ame[4]. »

« Ja ce n’aviegne », dist Aygolant, « que je reçoive baptesme et que je denoie et deguerpisse Mahomez mon dieu tout puissant ; ainz, combatrai-je et ma gent contre toi et la toue, par tel convent que se nostre

  1. Creez, croyez, « et creditis et adoratis ».
  2. « Vestræ autem ad Orcum proficiscuntur. »
  3. Ms. S. G. : recevoiz.
  4. « Ut male moriaris. »