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uns tenoit une espée nue et occioit celui que li autres li monstroit au doit. Uns seus en eschapa qui pas ne dormoit. À l’ange qui tenoit l’espée dist : « Je te conjur de Dieu le Tout Puissant que tu ne m’ocies », et ensi eschapa. Ce mostier dona puis li empereres à celui Alcuin, son mestre, dont nous avons lassus parlé ; abbés en fu et le governa puis tote sa vie.


IV.
De la persecution qui avint outre mer aus crestiens et des messages l’empereor de Costantinoble ; de II sentences de lor lettres ; de l’avision l’empereor des Griex par quoi il amonestoit l’empereor et monstroit par raison que il devoit enprendre la besoigne[1].

Au tens de ce prince, avint en la terre d’outre mer une granz persecutions à la crestienté, car li Sarrazins

  1. Ce chapitre et les chapitres suivants relatifs au prétendu voyage de Charlemagne à Jérusalem sont purement légendaires. Les pèlerins qui trouvèrent en Terre-Sainte des traces des libéralités de l’empereur (voir Baluze, Capitularia regum Francorum, t. I, col. 474 et 794, De eleemosyna in Hierusalem propter ecclesias Dei restaurandas. Cf. Histoire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. XXI, p. 154) purent de bonne foi croire qu’il avait dû s’y rendre. La légende et le besoin pour certains monastères de donner à quelques reliques un caractère d’authenticité s’emparèrent de cette idée et bâtirent là-dessus le récit de ce voyage. D’après Gaston Paris (Histoire poétique de Charlemagne, p. 55), la plus ancienne mention de ce voyage est contenue dans la chronique de Benoît, moine de Saint-André, sur le mont Soracte, qui écrivait vers 968 (voir Pertz, Scriptores, t. III, p. 710). Nous voyons dans Jacques Doublet (Histoire de l’abbaye de Saint-Denis en France, liv. IV, chap. iii, p. 1205 et suiv.) que le récit légendaire de ce voyage était conservé dans un manuscrit de Saint-Denis. En rapprochant les extraits publiés par Doublet des passages correspondant des Grandes Chroniques, on se rendra compte que l’auteur des Grandes Chroniques en donne la traduction. Ce même récit est encore contenu dans le manuscrit latin actuel de la Bibl. nat. 12710 (anc. Saint-Germain latin 1085). Une étude sur cette légende a été donnée au t. XXI de l’Histoire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, p. 149-156, et le P. Lecointe s’est attaché à démontrer la fausseté de ce récit dans ses Annales ecclesiastici Francorum, t. VI, p. 726-732 (année 800, nos 28-30). M. Ferdinand Castets a publié le texte du voyage de Charlemagne à Jérusalem sous le titre de Iter Hierosolymitanum, dans la Revue des langues romanes, t. XXXVI (1892), p. 417 à 474, et tirage à part.