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Traversant le ciel, la queue redressée, ferme de corps, secouant sa crinière, tout hérissé de poils aigus, foulant les nuages sous ses pieds, montrant ses blanches défenses, le regard enflammé : tel parut Bhagavat pour soulever la terre. Cet Être, qui est lui-même le corps du sacrifice, déguisé sous l’apparence d’un sanglier, armé de défenses terribles, suivant avec l’odorat la trace de la terre, et reportant des yeux amis sur les Brâhmanes qui chantaient, plongea au fond des eaux. Les flancs déchirés par l’impétuosité de la chute de ce corps semblable à une montagne de diamant, l’Océan, étendant les longs bras de ses vagues, gémit, semblable à un malade et s’écria : Ô Seigneur du sacrifice, aie pitié de moi ! Celui dont la forme est le sacrifice qui se célèbre aux trois moments consacrés, séparant les ondes avec ses sabots, semblables à des flèches au large fer, pour atteindre les limites de l'océan sans rivages, vit au fond de l’Abîme la terre que jadis, au moment où il allait s’endormir sur les eaux, il avait lui-même renfermée dans son sein avec les vies qu’elle contenait ; ayant relevé la terre en la fixant [sur une de ses défenses] il remonta tout brillant de l’Abîme[1].


Dans le deuxième épisode Leconte de Lisle nous fait voir Bhagavat incarné en homme et sauvant encore la terre du déluge. Son court récit est inspiré de celui qui est fait dans le Bbagavata-Purana au chapitre XXV du livre X.

Le dieu Indra avait déchaîné un épouvantable orage. Bergers et animaux appelèrent à leur secours Bhagavat qui s’était incarné en berger sous le nom de Krichna : — Krichna, fortuné Krichna, ô puissant héros, sauve le parc dont tu es le protecteur, sauve-nous de la colère d’Indra, toi si


  1. Liv. III, ch. XIII ; trad. Burnouf, t. I, p. 397. Les mots mis entre crochets l’ont été par le traducteur. J’ai mis en italique les passages que Leconte de Lisle a à peu près conservés.