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absolu. Ces Puranas, qui sont au nombre de dix-huit, sont les livres sacrés du néo-brahmanisme. Six sont consacrés à chacun des membres de la grande trinité.

Les plus populaires sont ceux qui sont consacrés à Visnou et parmi ceux-ci aucun ne l’est plus que le Bhagavata-Purana ou Livre du Bienheureux (un des surnoms de Visnou). Il doit sa notoriété à son mérite littéraire. Il la doit aussi à l’ensemble de sa doctrine qui a de quoi contenter tout le monde : la foule, car la légende de Visnou y est contée avec toutes les merveilles créées par l’imagination populaire ; — les philosophes panthéistes, car Visnou y est franchement considéré comme le grand Tout, et ce que le Védanta pensait de Brahma y est appliqué sans réserve à Visnou, qui hérite de tous les noms dont le grand Tout avait été décoré par les diverses écoles : Prajâpati, Hâri, Purucha (l’âme) ; — enfin les bouddhistes eux-mêmes, à qui la bienfaisance de ce Visnou rappelle celle de leur maître Buddha et qui peuvent aisément se reconnaître dans ces solitaires visnouites aspirant à se dégager de l’étreinte du monde extérieur. Leconte de Lisle n’avait donc point tort de penser que du Bhagavata-Purana, qu’il connut par la traduction de Burnouf[1], il pourrait tirer des poèmes où revivrait toute la pensée de l’Inde moderne.


Le Bhagavata-Purâna se compose d’une série de conversations où des personnages divers se racontent entre eux les efforts qu’eux-mêmes ou que d’autres ont faits pour

  1. Le Bhâgavata purâna ou Histoire poétique de Krichna, traduit et publié par Eugène Burnouf ; Paris, imprimerie royale, 1840.