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d’un étranger ! Dans son désespoir, elle fait à un vieux serviteur la confidence de son aventure avec Apollon.

Le vieillard, qui exècre les étrangers, lui offre son bras pour frapper l’intrus. Il reçoit d’elle une goutte du sang de la Gorgone, s’introduit dans la salle du festin et verse le poison foudroyant dans la coupe d’Ion. (C’est un récit qui nous fait connaître tout cet épisode.) Mais Ion, ayant versé la coupe à terre sous un prétexte ingénieusement trouvé par le poète, une des colombes sacrées va tremper son bec dans le liquide répandu : aussitôt elle meurt, « en allongeant ses pattes purpurines ». On soupçonne le vieillard, on le presse de questions. Il avoue le crime de sa maîtresse, et les magistrats de Delphes la condamnent à mort. Elle se réfugie dans le temple, asile sacré, dont Ion veut la faire arracher. Tout à l’heure, c’était la mère qui voulait la mort du fils, c’est maintenant le fils qui veut la mort de la mère. Mais dans sa colère, — encore une préparation du dénouement, — il invoque contre sa meurtrière le nom de sa mère qu’il ne connaît pas et qui est cette meurtrière elle-même.

À ce moment, la Pythie remet au jeune homme une corbeille garnie de langes : c’est celle où il fut jadis exposé ; la Pythie ne devait pas la lui remettre avant ce jour. Ion prend la corbeille avec émotion, et ses pensées vont aussitôt à l’inconnue dont il aurait dû recevoir les caresses et qu’il plaint d’avoir perdu les joies de la maternité. Mais Ion n’est pas au bout de ses surprises, car Creuse a reconnu la corbeille et veut embrasser son fils. Celui-ci s’y refuse : il a bien le droit de se défier d’une femme qui a tenté de