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il est revenu mourir au berceau des aïeux, qu’il a retrouvé « avec l’œil et le flair ». Il a posé sur ses genoux sa hache et son couteau, dénoué sa ceinture, et il fume d’un air grave sans qu’un pli de sa face ait remué. Ne sait-il pas que bientôt, à l’odeur de sa chair, les bêtes affamées, bossuant leur dos rond, vont ramper jusqu’à lui ? Il le sait, mais il en rit ; car une ardente vision l’emporte dans le pays des chasses éternelles. Viennent les panthères et les loups, le voilà !

Et l’antique forêt, où rien ne bouge, semble inerte,


Sauf la molle vapeur qui va tourbillonnant
Hors du long calumet de cette Idole rouge
Et monte vers la paix de midi rayonnant.


Y a-t-il chez Leconte de Lisle d’aussi beaux poèmes que celui-ci ? C’est possible, mais certainement il n’y en a pas de plus beaux, et je ne crois pas qu’il ait souvent ramassé en si peu de vers tant de pittoresque et tant d’émotion tragique.

On admirera davantage encore cette magnifique pièce, si on la rapproche des pages intéressantes et précises, mais assez ternes, qui l’ont, je crois, inspirée. Elles se lisent dans un récit de voyage qui eut un légitime succès dans la deuxième moitié du siècle dernier : Voyage pittoresque dans les Grands Déserts du Nouveau Monde, par l’abbé Em. Domenech[1].


  1. Paris, Morizot, s. d. ; la préface est datée de 1860.