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Pèdre se décida à tuer la reine Blanche, qui était enfermée à Médina Sidonia. (Leconte de Lisle, pour avoir une rime en ez, la transportera à Xérez.) Il fit appeler un personnage de marque, Iñigo Ortiz, et lui dit d’aller à Médina mettre fin à ses ennuis. Ortiz répondit : « Je ne ferai point pareille chose, car qui tue sa maîtresse manque à ce qu’il doit à son seigneur ». Le roi, mécontent de cette réponse, donna le même ordre à un massier. L’homme alla vers la reine, et la trouva en prières.


Il lui dit : « Madame, le roi m’a ici envoyé afin que vous ordonniez votre âme avec celui qui l’a créée ; car votre heure est arrivée, et je ne puis vous accorder aucun délai. »

— « Ami, dit la reine, je vous pardonne ma mort ; et si le roi mon seigneur le veut, qu’il soit fait selon son ordre. Seulement, qu’on ne me refuse pas la confession afin que je demande pardon à Dieu. »

Ses gémissements et ses larmes attendrirent le massier ; et d’une voix faible et tremblante elle se mit à dire ainsi : « Ô France, mon noble pays ! ô ma noble famille de Bourbon ! Aujourd’hui s’accomplit ma dix-septième année, et commence ma dix-huitième[1]. Le roi ne m’a point connue ; je m’en vais parmi les vierges. Réponds, Castille, que t’ai-je fait ? Je ne t’ai point trahie ; et la couronne que tu m’as donnée était pleine de sang et de soupirs. Mais j’en aurai une autre dans le ciel qui vaudra bien mieux. »

Et ces paroles achevées, le massier la frappa, et la cervelle qui jaillit de sa tête couvrit toute la salle.


Dans la romance Sur la mort du roi de Grenade, comme


  1. Pour les besoins du vers, Leconte de Lisle rajeunira la reine d’un an.