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Il est assis le seigneur roi, assis sur son fauteuil à dossier, jugeant les différends de son peuple mal discipliné. Libéral et justicier, il récompense les bons et punit les méchants : car les châtiments et les récompenses font des sujets dévoués.

Traînant un long deuil, entrèrent trente gentilshommes, écuyers de Chimène, fille du comte Loçano. Les massiers ayant été renvoyés, le palais resta libre, et Chimène commença ainsi ses plaintes, prosternée sur les degrés :

« Seigneur, il y a aujourd’hui six mois que mon père mourut par les mains d’un jeune homme que les tiennes élevèrent pour être un meurtrier. Quatre fois je suis venue à tes pieds, et quatre fois j’ai obtenu des promesses ; jamais je n’ai obtenu justice.

« Rempli d’un vain orgueil, le farouche don Rodrigue de Bivar profane tes justes lois, et tu soutiens un profane. Tu le protèges, tu le mets à couvert ; et quand il est en lieu de sûreté, tu punis tes mérins[1] parce qu’ils ne peuvent pas le prendre.

« Si les bons rois représentent Dieu sur la terre et le remplacent à l’égard des faibles humains, celui-là ne devrait point être roi bien craint et bien aimé qui manque à la justice et encourage les méchants. Tu n’y as point regardé ni songé assez.

« Pardonne si je te parle ainsi : l’offense faite à une femme change le respect en outrage. »

— « Cela suffit, gentille damoiselle, répondit le premier Ferdinand ; car vos plaintes attendriraient un cœur d’acier ou de marbre. Si je conserve don Rodrigue, c’est bien à votre intention que je le conserve : un temps viendra qu’à son égard vous changerez votre tristesse en joie. »

Sur ce entra dans la salle un messager de dona Urraca. Le roi prit Chimène par le bras, et ils entrèrent où était l’infante.


On a là tout le poème de Leconte de Lisle, sauf, ai-je


  1. Merino, homme qui a pour mission de rendre la justice.