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avaient fait des druides, et peut-être à cause de ce carnage, resta dans la Grande Bretagne le principal sanctuaire du druidisme. C’est donc là qu’il dut chercher un dernier refuge contre l’invasion du christianisme. Et qu’un chef barbare, croyant agir au nom du Christ, ait eu l’idée de l’y relancer, l’hypothèse n’est pas inadmissible[1]. Ce que personne ne contestera, c’est que rarement le poète a raconté une scène plus poignante et décrit un décor plus tragique.


LE BARDE DE TEMRAH[2]


C’est encore aux conflits du christianisme avec la vieille religion des Celtes que nous assistons dans le poème intitulé le Barde de Temrah et dont le héros, nulle part dési-


  1. Dans la Bretagne continentale, les druides furent persécutés, sinon massacrés. « Les druides furent longtemps en honneur auprès des comtes bretons, et ce ne fut que vers le vie siècle, lors des États Généraux tenus à Rennes par Conan-Mériadeck, que ce prince, à l’instigation de Modéran, évêque de Rennes, et d’Arise, évêque de Nantes, rendit un décret qui exilait à tout jamais les derniers représentants de l’ancienne religion des Celtes. Les druides, guidés par leur chef, se retirèrent dans la presqu’île qui, de leur nom, s’appela Druis, et dont par corruption on a fait Rhuiz. Quelques années plus tard, ils furent expulsés de ce dernier asile par saint Gildas, et dès lors ils se dispersèrent de tous côtés et finirent par disparaître entièrement… Les prêtresses, atteintes aussi par l’arrêt de Conan, s’étaient enfuies vers l’île de Seyn sous la conduite de Uhel-de-da (sublimité), leur grande prêtresse ; mais bientôt, poursuivies et chassées de ces lieux, elles vinrent demander un refuge aux grottes profondes de Plouharnel et y vécurent longtemps ignorées ou tolérées. Elles s’éteignirent une à une, et avec Bélisa, la dernière, s’effaça le souvenir des vierges de Seyn. » D’A… (D’Armezeuil), Légendes bretonnes ; Paris, Dentu, 1863, p. 253. — Ce Conan-Mériadeck, dont Leconte de Lisle a pu lire l’histoire quelque part, ne lui aurait-il pas suggéré l’idée de son Murdoc’h ?
  2. Poèmes barbares, X.