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Cependant le Runoïa sort de son long mutisme et il dit ses pressentiments : — Voici venir le Roi des derniers temps. Il sourit à la mer furieuse, et les flots courbent leur dos d’écume ; l’aube d’un grand jour jaillit de ses yeux. — Mais comme, à cette prophétie, les chasseurs font retentir de joyeux éclats de rire, demandent au vieillard si la reine des sorcières n’aurait point brûlé ses paupières, et l’engagent, pour oublier ses tristesses, à boire avec eux, le dieu maudit son œuvre : puisque ses fils devaient outrager son nom, pourquoi, hélas ! a-t-il créé l’homme ? pourquoi a-t-il créé le monde ? (Dans les regrets du Runoïa, Leconte de Lisle trouve ainsi un excellent prétexte pour insérer au cœur même de son poème un exposé de la cosmogonie finnoise, d’où, naturellement, ont disparu les contradictions, où tout est simplifié, où tout s’enchaîne : après la formation du ciel par l’ouvrier Ilmarinnen, se produit l’éclosion de l’œuf, et après que les germes sont sortis de l’œuf, la création de la mer, de la terre, des animaux et des végétaux, enfin de l’homme.)


Le Roi du Nord n’a pas plus tôt exhalé sa plainte que le rival attendu par lui fait son entrée. Leconte de Lisle, ici encore, va ajouter beaucoup à son modèle et même en modifier beaucoup l’esprit.


Le soleil rayonna à travers les portes. Alors, le château fut inondé de flammes lumineuses et les guerriers se couvrirent le visage. Les uns murmuraient, les autres tombaient à genoux. Mais tout à coup la lumière s’adoucit et une belle vierge, vêtue de blanc, s’avança au milieu de ses rayons. Sa blancheur croissait toujours plus éblouissante ; les flammes qui l’environnaient