Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans un ouvrage scientifique (le Dernier des Maourys). Il n’hésite pas à prendre de grandes libertés avec les récits purement légendaires, qu’il ne considère pas avec raison comme intangibles. En prend-il parfois d’assez audacieuses avec les récits historiques, et par exemple termine-t-il l’aventure de Mouça-al-Kébyr par une apothéose dont aucun annaliste arabe n’a jamais parlé, ou arrange-t-il l’histoire de Nurmahal, c’est parce qu’à la façon des classiques il veut transformer ses personnages en types plus généraux qu’eux-mêmes, parce qu’au lieu de peindre des individus, il veut peindre une race, une époque, un milieu.

Si les lecteurs estiment que je me suis trompé dans l’explication de certains poèmes, s’il ne leur semble pas que j’ai bien compris l’auteur quand il modifie tel ou tel de ses modèles, ce volume leur donnera du moins, je l’espère, le moven de proposer une interprétation meilleure. Aussi bien, loin d’avoir l’ambition de dire le dernier mot sur Leconte de Lisle. je livre mon ouvrage au public avec l’espoir qu’il fera naître de nouvelles études sur ce grand poète : plus nombreuses seront ces études, et mieux je m’estimerai récompensé de la peine que m’ont coûtée de longues recherches.

Les poèmes de Leconte de Lisle ne sont pas tous étudiés ici. Il n’y est point parlé de ceux qui n’ont pas eu d’autre origine qu’une promenade au Jardin des Plantes, ou une excursion à travers des livres d’histoire naturelle, ou les souvenirs du pays natal[1]. Sur une partie importante de

  1. Sur la place de l’île natale dans la poésie de Leconte de Lisle, voir Marius-Ary Leblond, Leconte de Lisle, Paris, 1906, p. 405-451.