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Ce qui avait été supprimé tout à l’heure a donc été utilisé ici, et il y a eu entre Herborga et Ullranda un double chassé-croisé, chacune des héroïnes ayant pris l’âge de l’autre et les fils de celle-ci ayant reçu la destinée des frères de celle-là.

Cependant:, qui est-ce qui soulèvera le linceul de Sigurd, puisque Ullranda ne le fait plus ? Ce sera Brunild, et le poème, par suite, continuera à être transformé dans le sens où il a commencé à l’être, c’est-à-dire qu’au lieu d’être surtout touchant, il sera surtout tragique ; dans l’Edda, c’est la pitié qui découvre le corps de Sigurd ; chez Leconte de Lisle, ce sera la haine :


Elle se tait. Brunhild se penche, et soulevant
Le drap laineux sous qui dort le roi des framées,
Montre le mâle sein, les boucles enflammées,
Tout l’homme, fier et brave, comme il l’était vivant.


Le corps de Sigurd ayant été découvert par un geste de haine, Gudrun devra faire entendre, à ce spectacle, moins des cris de douleur que des cris de vengeance. C’est bien aussi ce qu’elle fait, et Leconte de Lisle, pour approprier les paroles de son personnage à une situation un peu nouvelle, a imité ici, non le Premier chant de Gudrun, qui est plutôt une plainte, mais le Second, où domine le ressentiment et où d’ailleurs la mort de Sigurd est racontée :


Ma mère m’éleva, moi, la vierge des vierges, dans des salles brillantes. J’aimais mes frères, jusqu’à ce que Giuki, me couvrant d’or, me donna à Sigurd.