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ber son voile et demeura en apparence tout interdite. Cette feinte confusion, ajoutant à sa beauté, le prince en devint éperdument amoureux.

Il la demanda à son père. Mais celui-ci avait promis sa fille à l’omrah Schère-Af-Koum, et il ne voulut pas devenir parjure. Sélim s’adressa à l’empereur : Akbar ordonna à son fils d’oublier cette femme, et Mher-oul-Nissa devint l’épouse de Schère.

Schère était un Turcoman, fier de sa noblesse et de ses exploits. Il passait pour être le plus brave officier de l’armée.

Il se retira dans le Bengale, où il était gouverneur du district de Bourdwan, et vécut en paix tant que régna Akbar.

À peine Sélim fut-il monté sur le trône sous le nom de Djihan-Guîr[1] qu’il appela Schère à Delhi, l’accueillit avec empressement, lui accorda des distinctions nouvelles. Schère crut que sa femme était oubliée: Djihan-Guîr ne songeait qu’à la lui enlever.

Il partit pour la chasse, accompagné, suivant l’usage, de toute sa cour. Un énorme tigre fut lancé. « Y a-t-il quelqu’un qui se sente le courage d’aller seul attaquer ce monstre ? » demanda l’empereur. Tous les yeux se tournèrent vers Schère, qui, devinant le dessin de Djihan-Guîr, ne bougea pas. Alors, trois omrahs réclamèrent l’honneur d’abattre la bête. Schère, piqué dans son amour-propre, ne songea qu’à sa gloire et demanda à combattre le tigre sans


  1. Les historiens français écrivaient jadis ce nom Jéhan-Ghire.