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qu’il ne reverra pas ; il lui fait envoyer un dernier souvenir :


À Upsal, dans la demeure de Josur, bien des jarls boivent joyeusement la bière, bien des jarls échangent de vives paroles ; moi, je suis dans cette île, frappé par la pointe du glaive,

La blanche fille de Hilmer m’a suivi à Aguafik, au delà des écueils ; ses paroles se vérifient, elle me disait que je ne retournerais jamais près d’elle.

Tire de mon doigt cet anneau d’or rouge, porte-le à ma jeune Ingeborg, il lui rappellera qu’elle ne doit jamais me revoir.

À l’est s’élève le corbeau de la bruyère ; après le corbeau arrive l’aigle, plus grand encore. Je serai la pâture de l’aigle qui viendra boire le sang de mon cœur.


La perspective de désaltérer les aigles ne paraît pas réjouir tellement l’infortuné Hialmar. Son chant ne respire pas la satisfaction d’avoir eu une vie de bravoure et d’avoir mérité ainsi de s’asseoir auprès des dieux.

Ces sentiments, Leconte de Lisle les trouvait dans le Chant de Regnar Lodbrock[1]. Ce héros, quand il meurt, rappelle joyeusement les cinquante et un combats qu’il a livrés et il se délecte à revoir par le souvenir le sang qui rougit les fleuves, qui arrose les armures, qui jaillit des blessures, les copieux festins préparés par les loups.


Nous avons frappé avec le glaive… Le loup eut de quoi

  1. Marmier, p. 51.