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Peut-être doit-on dire qu’il y a dans la Ravine plus qu’un site de l’île Bourbon, mais toute la flore, toute la faune, toute la lumière, toute la géologie de l’île.

Le Manchy n’est pas moins plein d’exotisme. Dès les premières strophes, le manchy descend pendant que le vent berce les cannes. Bijoux, coiffure, attitude, tout est exotique chez les porteurs du lit, comme le lit lui-même l’est par sa nature et par son origine :


Le bracelet aux poings, l’anneau sur la cheville,
Et le mouchoir jaune aux chignons
Deux Telingas portaient, assidus compagnons,
Ton lit aux nattes de Manille.


Exotique encore, le décor traversé : le nom et la forme des habitations, le mélange des races, le nom et l’origine des instruments de musique :


Le long de la chaussée et des varangues basses,
Où les vieux créoles fumaient,
Par les groupes joyeux des Noirs ils s’animaient
Au bruit des bobres Madégasses.


Exotiques, les arbres et les fleurs ; exotiques, le costume et l’attitude de la jeune fille :


Et tandis que ton pied sorti de la babouche,
Pendait rose au bord du manchy
À l’ombre des Bois-noirs touffus et des Letchi
Aux fruits moins pourprés que ta bouche,…

On voyait, au travers du rideau de batiste,
Tes boucles dorer l’oreiller.