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Or, l'exotisme en est à peu près banni. Le poète nous transporte dans un bois de son pays, et il nous le dit : « Ô bois natals ! » Mais si les palmiers n'étaient pas nommés une fois, si les lianes ne l'étaient pas dans le titre et de nouveau plus loin, rien ne nous inviterait à fixer la scène dans une île tropicale : les fleurs y sont des roses et des nénuphars ; les animaux, des abeilles et des oiseaux, dont ni la couleur, ni la forme ne sont déterminées :



Au bord des nids, ouvrant ses ailes longtemps closes
L’oiseau disait le jour avec un chant plus frais.


Il semble qu'éliminer la couleur locale soit à ce moment chez Leconte de Lisle un parti-pris, qu'il vise comme un classique au général, et c'est ce qui fera dire à Flaubert après les Poèmes Antiques : « Il lui manque la faculté de faire voir ; le relief est absent[1]. »

D'un caractère plus général encore est Nox des Poèmes Antiques. On y trouve la mer et des forêts. Mais quelle mer et quelles forêts ?

Il y a un peu plus d'exotisme, pas beaucoup plus, dans deux nouvelles en prose publiées en 1846 par la Démocratie pacifique : Marcie, dont les paysages sont manifestement l'ébauche du Bernica, et Saccatove, qui est l'ébauche de l'Aurore[2].

Ainsi, même dans ses nouvelles en prose, Leconte de

  1. Lettre à Mme X., 1853, tome II de la Correspondance ; Œuvres complètes, Conard, p. 239-240.
  2. C'est ce qu'a reconnu M.-A. Leblond, p. 446.