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Toujours présente à son esprit, même quand l’histoire de ses héros les situait en d’autres régions, l’île natale se présentait à sa mémoire quand il cherchait un refuge contre les déceptions de l’amour et de la politique. De là ces poèmes : l’Aurore, le Manchy, la Ravine Saint-Gilles, le Bernica.

L’Aurore a une conclusion amère. Le poète dit que c’en est fait des jours de sa jeunesse sacrée, des belles années de sa florissante vigueur ; lassé de voluptés, haletant du désir de mille chimères, il a désappris les hymnes que lui inspiraient les monts sublimes, les flots sacrés, les bois amis de cette nature, qui, elle, vit et palpite encore. Pourtant, quand au début du poème il décrit cette vie magnifique, comme on sent bien qu’elle l’enchante et l’enivre toujours, qu’elle sait l’adoucir et l’apaiser !

Aux derniers vers du Manchy, il songe tristement que le charme de ses premiers rêves repose maintenant sous le sable aridu des grèves parmi les morts qui lui sont chers. Pourtant, avec quelle douceur il a d’abord évoqué la vision des yeux d’améthyste sous les cils mi-clos, des boucles d’or sur l’oreiller, et de tout ce gai décor des matinées dominicales !

Dans le Bernica, le spectacle d’un monde charmant, heureux, invite l’âme du poète à s’en pénétrer, à s’y plonger, à y revêtir la robe de la pureté première, à s’y reposer en Dieu silencieusement.

Dans la Ravine, une nature, forte sans ivresse et sans emportement, apporte l’exemple d’opposer aux