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Brunhild, elle aussi, sait mourir ayant aimé.

Mais la Mort de Sigurd a un autre intérêt que de nous apporter encore un exemple d’une amante qui ne survit pas à sa passion.

Le roi Sigurd est mort.

Son sang ruisselle, tiède, et la salle en est pleine.

Sa veuve, Gudrune, est là, inconsolable. Mais d’autres reines lui rappellent leurs propres peines, qui leur paraissent pires. Herborga a vu ses frères égorgés, leurs membres liés aux crins des étalons, leurs crânes pendus aux arçons des vainqueurs. Elle-même, prise par un chef, a durant dix ans, sous sa tente de peaux, nettoyé sa chaussure ; elle montre sur elle l’immonde flétrissure du fouet. Ullranda conte la mort de ses enfants, tous couchés dans les limons amers ; aucun petit-fils ne sourira à l’aïeule mourante.

Brunhild soulève le drap qui couvre le corps du roi ; elle livre aux regards de la veuve les dix fentes ouvertes sous le col que la mort fit au héros endormi.

À cette vue, Gudrune gémit ; elle raconte comment lui fut apportée la nouvelle que le roi Sigurd était sur sa dernière couche et que les loups altérés buvaient son sang rouge.

Brusquement, Brunhild se lève : — Si je laissais hurler le sanglot de mes veilles, que deviendraient vos