Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du pain noir et des figues. Puis, comme l’oiseau demande que l’abbé l’absolve et qu’il le laisse recommencer ses repas d’autrefois, — Seigneur Dieu, dit Sérapion, donnez-lui le repos éternel. — Et le Corbeau tombe mort.

Ce très long poème, qui n’a jamais été, je crois, populaire, mais qui a des admirateurs[1], est complexe.

C’est un des poèmes où Leconte de Lisle revendique pour tout vivant le droit sacré de satisfaire sa faim :


Homme ou corbeau manger est doux quand on a faim.


C’est un de ceux où il revendique le droit à l’amour et glorifie ceux qui ont su mourir en aimant. Dans sa course au-dessus de la terre sortie du déluge, le Corbeau aperçoit un homme et une femme, frère et sœur des héros du Déluge de Vigny, debout sur un trône ; leur attitude dit que l’homme est mort dompté, mais non vaincu, sans peur de la mort comme il avait vécu ; que la femme a été heureuse de mourir enlacée dans les bras nerveux de son amant.

C’est un des poèmes où il revendique le droit de se révolter contre les philosophies qu’il accuse de reprocher aux hommes d’assouvir des passions impérieuses qu’ils n’ont pas mises en eux. Pourquoi, demande le Corbeau, Dieu a-t-il châtié par le déluge ses créa-

  1. Voir l’étude qu’en fait M. Flottes, p. 160.