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à sa mère le plaisir de composer pour elle un poème, médiocre d’ailleurs, sur les Stations du Chemin de Croix, qu’il se maria à l’église et que son cercueil y fut porté. Calmettes estime, et je crois qu’il a raison, qu’on peut découvrir dans ses poèmes les restes d’un christianisme romantique[1].

Le Corbeau, poème contemporain du Massacre de Mona apporte quelques précisions sur la façon dont il envisageait l’avènement du christianisme[2].

Un corbeau vivait déjà au temps du déluge. Enfermé dans l’arche, il fut lâché en éclaireur à la première éclaircie. Mais indocile à l’ordre du Patriarche, il ne rentra point dans l’arche et ne sait ce qu’elle devint,

Longtemps, il se nourrit des cadavres faits par les eaux. Un jour un spectre mit fin à ces repas plantureux et l’endormit. À son réveil, les hommes avaient repeuplé la terre. Il vit les religions se succéder sans qu’aucune réprimât les guerres et les tueries.

Un jour il aperçut trois corps sur des croix. Il admira la beauté et la sérénité d’un des trois. Mais la faim commandait ; il voulut l’assouvir. Un ange l’arrêta et le condamna à trois siècles de jeûne.

Les trois siècles sont écoulés. L’ermite Sérapion, auquel le Corbeau conte son histoire, le rassasie avec

    champs affirme que, dans les dernières années de sa vie, il ne parlait plus du christianisme qu’avec beaucoup de respect.

  1. Calmettes, p. 52.
  2. Le Corbeau, 31 mai ; le Massacre de Mona, 15 septembre 1860 dans la Revue Contemporaine.