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Or, dans l’une d’elles il lut que le jour où naquit l’enfant de Marietta, le Runoïa aurait dit : « Qu’on porte cet enfant dans le marais, qu’on lui écrase la tête, qu’on lui brise les membres avec un marteau. »

Avec satisfaction, Leconte de Lisle recueillit ce mot ou il trouvait énergiquement exprimée une hostilité contre le christianisme qui lui paraissait égaler la sienne.


LE RUNOÏA


Chasseurs d’ours et de loups, debout, ô mes guerriers !
Écrasez cet Enfant sous tes pieux meurtriers
Jetez dans les marais, sous l’onde envenimée,
Ses membres encor chauds, sa tête inanimée…
Et vous, ô Runoïas, enchantez le maudit !


C’est sans doute de ce mot qu’est sorti le poème du Runoïa.

Comme la souffrance du tigre et du lion lui permettait de dire poétiquement la misère de ceux qui souffrent de la faim, fussent-ils des princes, princes dans la jungle ou princes dans le monde des lettres, la protestation contre Jésus prêtée au Runoïa par la légende finnoise lui permettait de dire indirectement sa propre révolte contre le christianisme.

Il l’a fait en remaniant assez gravement dans cette vue une saga traduite par Léouzon Le Duc. Elle met en action la première entrevue du vieux roi du Nord et de l’enfant que la Vierge vient de mettre au monde. Mais tandis que dans la saga le dieu d’hier