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curieux témoin, passer la reine, qui vient, comme c’était son droit, d’assouvir sa faim. Les papillons, les abeilles, les feuillages lui font fête.

Le poète qu’effraie la vision du sang répandu et qu’émeut le sort du beau cerf immolé, admire, lui aussi, la superbe créature et la magnificence du décor où elle accomplit des massacres nécessaires.

Comme tant d’autres poèmes écrits depuis les Études de la nature, celui-ci montre que la panthère vit dans le cadre qui lui est « propre », pour reprendre le mot de Bernardin de Saint-Pierre, c’est-à-dire dans le cadre approprié à sa beauté par des oppositions et des analogies également heureuses.

À sa noirceur s’opposent la lueur rose qui s’épand dans les nuées, le faîte bleu du ciel, l’émcraude des lames, les verts arceaux de rotin, les fauves abeilles, le cactus écarlate au-dessus duquel surgit la tête du python. À son ondulation et au vol souple des papillons s’oppose la lourdeur des rameaux. Mais dans cet ensemble varié de couleurs et de mouvements, partout la même vie forte, puissante, abondante, évoquant à chaque instant le souvenir de tout ce que l’industrie humaine a créé de plus luxueux : le velours des robes, les colliers de perles, les dentelles, les agrafes et les émeraudes.

Dans le recueil définitif des Poèmes Barbares, le Jaguar et la Panthère noire ne se suivent plus. Le Jaguar, qui est un paysage lunaire, précède Effets de lune. La Panthère, où se lève l’aurore, est placée