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Pleins de faim, font claquer leurs mâchoires de fer.


La faim ! voilà donc la terrible maîtresse à laquelle obéissent les caïmans et les jaguars dans les pampas, comme le tigre dans la jungle et le lion au Sennaar.

Et la panthère noire en son royaume de Java.

Dans la strophe même où est reconnue sa royauté, on entend ses petits miauler de détresse ; on les voit parmi les os luisants, dont ils ont donc rongé toute la chair, tant ils sont affamés, et, quoiqu’ils soient dans leur gîte on les voit blottis les uns sous les autres, tant ils ont peur :


La reine de Java, la noire chasseresse,
Avec l’aube, revient au gîte où ses petits
Parmi les os luisants miaulent de détresse
Les uns sous les autres blottis.


Elle-même passe, « inquiète, les yeux aigus comme des flèches », Elle ondule, elle épie l’ombre ; elle a peur que quelque brigand ne vienne lui arracher ce reste de chasse qu’elle apporte à ses petits.

Sa part, elle l’a consommée sur place ; elle a mangé sans attendre, elle a mangé la nuit :


Elle traîne après elle un reste de sa chasse,
Un quartier du beau cerf qu’elle a mangé la nuit.


Sur la mousse en fleur, une trace, rouge et chaude encore, la suit, une trace effroyable. Spectacle effroyable, en effet, pour nous humains. Spectacle pourtant fort naturel. Le python, autre carnassier, regarde,